Le couloir était vide et silencieux et Léane et Azazël les parcouraient de fond en comble, discutant parfois avec des tableaux, cherchant les fameux passages secrets que l'école abritaient d'après L'histoire d'Hogwarts et attendant de tomber sur quelque chose d'intéressant qui seraient suivi par des heures de recherches approfondies à la bibliothèque. On entendait une musique agréable qui provenait d'une des salles de classes du couloir. Par simple curiosité, elle tourna sur elle-même, essayant de déterminer d'où elle venait et il se trouva qu'Azazël trouva avant elle.
En ouvrant légèrement, elle distingua un peu plus clairement les notes qui sortaient manifestement d'un violon.
Une voix s'éleva à l'instant ou la musique s'était arrêtée. Une voix qu'elle reconnaissait vaguement.
Elle entra en silence, referma la porte derrière elle en se plaquant contre elle. Léane porta son regard sur le violoniste, le souvenir du voyage en train de cette année et dans un sourire, elle dit de sa voix claire :

-Bonsoir... Benedict, c'est ca?

A vrai dire, Benedict avait encore les yeux posés d'un air désespéré sur son violon, cherchant vainement à comprendre la raison de son erreur, quand il entendit la voix de Léane. Il eut un sursaut de surprise, relevant la tête vers la nouvelle arrivante qui d'ailleurs n'était pas seule. Il jeta un coup d'oeil au chat, puis son regard se fixa plus longtemps sur la Serpentarde.

**Tiens, du Vert. Cette salle avait pourtant été épargnée par la moisissure jusque-là !**

Il haussa un sourcil en voyant que Léane était entrée en fermant directement la porte derrière elle, s'y appuyant. Puis le souvenir lui revint de cette étrange jeune fille qui avait partagé leur compartiment lors du voyage pour aller à l'école, et qui avait été...bizarrement cordiale, pour une raison qu'il ne saisissait pas. Une raison de plus pour avoir gardé son visage en mémoire, ce qu'il faisait d'ailleurs pour tous les gens qu'il connaissait. S'il s'était agi de quelqu'un d'autre, la pensée du Poufsouffle aurait sûrement dépassé le statut de simple remarque mentale. Mais en souvenir de l'attitude...neutre, de la jeune fille ce jour-là, il choisit d'opter à son tour pour le plus d'amabilité qu'il lui était possible de montrer.

"Bonsoir, Léane. Oui, c'est bien Benedict, en effet."

Il pinça une des cordes de son violon, avant de relever le regard vers elle.

"Quel bon vent t'amène par ici ?"

Le garçon qui avait eu l'air si méfiant et si distant lors du voyage vers Hogwarts était à présent agréable. Une réaction, pour le moins inattendue de sa part, mais un étonnement qu'elle cachait bien derrière un masque froid craqué d'un léger sourire.

-Ta musique... Je ne m'y connais pas du tout, mais j'apprécie. C'est... apaisant?

Elle porta Azazël qui cherchait à lui grimper dessus. Il avait les oreilles droites et ne quittait pas Benedict des yeux.
Benedict paraissait concentré et Léane, avec tous les regrets du monde, se demandait si elle avait bien fait de rentrer dans la salle. La curiosité était une vertu pour elle, mais là ce n'était de toute évidence pas une si bonne qualité qu'elle l'aurait cru. Son regard pris des tons d'excuses.

Son amabilité se conforta quelque peu lorsqu'il la vit esquisser un léger sourire. Décidément, cette fille était étrange. Pourquoi, comme tous ceux de sa maison, ne lançait-elle pas des insultes et commentaires acerbes ? Pourquoi son visage prenait-il un air d'excuse ? Benedict plissa les yeux, son regard devenant perçant. D'après ce qu'il supposait....peut-être attendait-elle simplement qu'il soit plus détendu pour le poignarder dans le dos à la moindre occasion. Mais deux fois aimable ? Jamais deux sans trois, disait-on. Cette fille était bien étrange.

"Ainsi je suis comme le joueur de flûte de Hamelin ? J'attire les élèves au son de mon violon pour les charmer et les faire se jeter dans le grand lac ? Peut-être faut-il que je fasse attention, alors... C'est la musique d'un compositeur moldu. Feu Johann Sebastian Bach. Je doute en effet que tu connaisses, et continues à apprécier maintenant que tu sais cela. Mais..."

Il eut un léger sourire qui remplaça l'expression perçante de ses yeux. D'un coup de baguette, il renvoya la partition sur une table, avant de pointer sa baguette sur une chaise.

"C'est effectivement un des morceaux les plus enjoués et tranquilles qu'il ait fait. Son style est plutôt dramatique d'habitude. Mais peut-être que tu souhaites...t'asseoir ?"

Ce n'était pas la façon la plus subtile de la mettre à l'aise, mais il faisait ce qu'il pouvait.

Passée au scanner, voilà ce qu'elle ressentait. Mais en revanche, il paraissait d'une tout autre gentillesse qu'à leur première rencontre et ça, elle ne l'oubliait pas.

-Je ne tiens pas vraiment à rencontrer le calmar géant...

Elle s'avança vers la chaise qui lui était offerte, un peu hésitante, mais plus à l'aise qu'elle ne l'était auparavant du fait qu'il ne la chasse pas. Finalement, cela n'avait pas l'air de lui déplaire d'avoir de la compagnie...

-Merci. Un compositeur Moldu? C'est intéressant...

Cette fois, son timbre de voix prenait des teintes légèrement intriguées.

-Mais pourquoi je n'apprécierais plus?

Elle n'aimait pas vraiment qu'on la compare aux stéréotypes que donnait sa maison. Oui, elle se foutait totalement de savoir si le compositeur était un Moldu, un Sang-de-Bourbe ou s'il avait le sang le plus pur qui puisse exister. Elle n'était pas de ceux qui ne voyaient que le sang et oubliait la personnalité et les qualités. C'était là la plus grande distinction qu'on pouvait faire d'elle et des Serpentard.

Si elle semblait toujours...neutre, Benedict n'en oublia pas sa prudence coutumière. Aussi posa-t-il sa baguette sur la table derrière lui, la gardant près de sa portée. Il y avait une part en lui qui luttait face à son habituelle méfiance envers les Serpentards, et une autre qui lui disait de simplement être aussi aimable qu'il pouvait l'être d'habitude face à quelqu'un qu'il ne connaissait pas plus que cela.

"Et je ne tiens pas à ce que quelqu'un se fasse manger par ma faute, ni que le calamar géant n'ait une indigestion. Ce serait une certaine perte dans les deux cas."

S'il avait su sa vision des choses, probablement qu'il se serait beaucoup plus détendu et n'aurait pas gardé une certaine suspicion dans son regard, mais en attendant de savoir...patience, on ne savait pas si derrière la cape du sorcier se cachait un vampire ou une Vélane. Benedict haussa les épaules, repinçant une corde qui émit un son aigu.

"Eh bien...parce que c'est un Moldu ! Je ne sais pas si vous avez eu beaucoup de musiciens classiques chez les sorciers, mais je suppose que vous préférez ceux-là à ceux Moldus. Surtout chez les Serpentards."

**Et qui plus est, joué par un Sang-de-Bourbe en face de toi, mais tu n'es pas obligée de le savoir, je ne cherche pas nécessairement la cogne non plus.**

Elle ressentait parfaitement son état d'esprit : il était partagé. Partagé et déstabilisé. Certainement parce que, pour une Serpentarde, elle avait plutôt l'air indifférente envers tout ce qu'ils méprisaient en règle général. Et là était son but : se démarquer. Elle ne voulait pas être fichée "verte", elle en avait assez d'être prise pour une statue de marbre envenimée seulement parce qu'elle affichait les couleurs de sa maison. Tant pis si elle devait être la honte des Serpentards.

-Je le répète, je ne m'y connais pas du tout en musique, que ce soit moldue ou sorcière. Mais toi, tu as l'air d'être bien renseigné...

Elle élargi son sourire, pensant à ce qu'elle allait surement lui donner comme impression.

-T'es parents sont Moldus, je me trompe? dit-elle avec un ton aussi doux qu'habituellement.

Il penserait certainement qu'elle allait exploser de sarcasmes, d'horrible set infâmes insultes. Mais non, elle avait posé la question avec une gentillesse de façon à lui laisser un doute.

"Disons que quand tu étudies le violon et le chant, on te donne forcément le bagage histoire de la musique qui va avec. Même si je ne connais que celle moldue..."

Et voilà, sans s'en rendre compte, il s'était trahi lui-même, alors autant s'enfoncer, non ? De sa phrase précédente, elle avait transformé cela en déduction. C'était bien une Verte de ce côté-là : intelligente. Pas forcément un défaut dans sa maison, pour sûr...Le large sourire qu'elle afficha lui sembla un instant empli de poison, mais son ton continuellement doux lui fit ouvrir de grands yeux, lui donnant même un tressaillement involontaire. Il la fixa d'un regard froid, attendant l'inévitable suite qui se révélerait moins polie, moins courtoise, plus du côté des insultes et humiliations. Mais rien ne venait...rien du tout....Complètement embarrassé et ne sachant plus comment réagir, il choisit de cligner ses yeux qui semblaient s'être figés de surprise et avaient bien besoin d'être ré-humidifiés depuis la phrase de Léane. Il se leva de sa chaise, posant son violon sur la table, avant de se retourner vers elle.

"Brillante déduction", essaya-t-il de dire avec ironie, mais cela manquait certainement dans sa voix. "Et toi, tes parents n'ont pas vu que tu étais malade, n'est-ce pas ? Il te manque le venin habituel des tiens."

Là, Benedict n'avait pas tort. Elle pouvait être qualifiée de "malade" au sein de sa maison, mais certainement pas au niveau familial.

-Il me manque le mépris des miens en effet. Et j'en suis heureuse. Mes parents et moi sommes... les trolls de la famille. Enfin si on peut appeler ca une famille. Juste les mots "Sang-Pure" à la bouche, la baguette dans l'ombre. Mais je trouve que leur accorder une place dans cette conversation serait leur accorder un trop grand intérêt...

Elle avait deviné qu'il était mal à l'aise et laissa tomber les indiscrétions et sujets glissants qui lui passaient par la tête. Pendant un court instant, elle s'évada dans ses pensées les plus lointaines avant de se ressaisir. Elle avait posé son regard sur le visage de Benedict sans vraiment s'en rendre compte et avait dû avoir l'air paraitre absente.

-Tu croyais surement que j'étais venue avec de mauvaises intentions, hein?

Elle lança un regard et un léger mouvement du menton, l'ensemble assez explicite. Elle avait remarqué qu'il prenait quelques précautions et elle ne lui en voulait pas. Normale. Un Serpentard amical, elle l'avait compris, était assez insolite.

Un visage de glace, ne laissant fuir aucun sentiment, sauf son regard et sa voix qui dénonçaient tout ce qu'elle avait en tête et donnaient en permanence la teinte de ses paroles. Ainsi, le doute demeurait en permanence chez son interlocuteur et c'était bien là l'effet recherché.

Il ne savait plus sur quel pied danser, le Benedict. Il avait assimilé tout ce que venait de dire Léane, sans réellement la croire, bien que cela expliquât son attitude si peu habituelle chez les Serpentards. Son air passagèrement absent ne le rassura pas plus, son attention non plus, sans compter son aspect toujours froid, néanmoins démenti par ses paroles et ses prunelles. Il y avait là une sorte de dualité dont il ne savait que faire. Il se rassit sur la table, fixant en face la Serpentarde.

**Tu ne vas pas te laisser impressionner par une Verte, tout de même.**
**Va dire ça à celle qui a un regard froid valant celui de Rogue.**

"Effectivement. Une Serpentarde neutre, qui ne jure pas par la pureté du sang, ça ne court pas les rues. En fait, ça fait même oxymore. Alors tu me pardonneras de ne pas vraiment te croire et de supposer que tu fais tout cela pour ensuite te vanter auprès de tes camarades en disant que tu as berné un des Poufsouffles, histoire de montrer à quel point ils sont toujours aussi crétins."

Oui, elle lui accordait ce doute. Ces congénères n'étaient en effet pas du tout amicaux envers les autres maisons et cette étiquette qu'on accrochait justement aux Serpentards était aussi collée sur le front de Léane, et ce malgré tous ses dires.
Elle avait du mal à le mettre en confiance, contrairement à Velkan où encore Luna qui l'avait presque aussitôt acceptée en tant que "neutre".

-Je te pardonne. Je ne pourrais jamais te prouver ma bonne foi de toute manière.

Elle reprit un petit sourire en coin qui en disait long sur ses pensées
Léane appréciait Benedict parce qu'il se méfiait d'elle sans pour autant la condamnée.

-Cela dit, je ne pense pas que ta méfiance nous empêche de discuter alors... Tu veux bien me parler des Moldus, de ta famille ?

Et la revoilà à l'attaque avec son sourire chaleureux qui contrastait avec son visage. Pour des renseignements sur eux, rien ne valais un sorcier né de parents Moldus qui pourrait lui apporter un peu plus de savoir qu'elle n'en avait déjà. Elle ne loupait pas une seule occasion de s'instruire et là était une preuve de sa curiosité constante.

"Peut-être que tu pourrais, mais franchement il faudra du temps, je suppose, ou de très bons arguments."

S'il avait su que Velkan, qui était un de ses proches camarades, l'avait déjà acceptée, cela aurait été un point positif en faveur de Léane. Mais le sourire en coin que la jeune fille eut ne le mit pas davantage à l'aise. Au contraire.

Quand elle posa sa question, il se demanda tout d'abord s'il n'avait pas pris un coup sur la tête. Puis, quand il vit le sourire qu'elle lui adressa, il pensa que oui, il avait effectivement dû prendre un coup sur la tête. Il contint un soupir entre ses dents, reprenant son violon en silence, avant de relever la tête vers elle et d'articuler sèchement :

"Tu te moques de moi ? En quoi cela peut-il t'intéresser ?"

Il joua une brève saccade de notes effrénées qui n'avaient aucun autre sens que d'exprimer son agacement, avant de s'arrêter.

"D'accord. Entrons dans ton jeu quel qu'il soit. Parlons des Moldus, des Sang-de-Bourbe et de ma famille si cela t'intéresse. Parents moldus, petite soeur sorcière ici aussi, sang sorcier chez la demi-soeur de ma mère. Que veux-tu savoir, Léane ?"

Il avait prononcé le prénom un peu plus doucement, peut-être pour atténuer l'énervement subit quelques secondes plus tôt, et montrer qu'il n'était pas fermé à la conversation, effectivement.

A la réponse sèche et énervée de Benedict, ses yeux reflétèrent son regret. Elle n'aurait pas dû être aussi directe envers lui, elle aurait dû essayer d'ôter son masque de marbre habituel. Elle aurait dû...

Là, à l'instant même où il joua des notes désorganisée et qui reflétaient bien ses pensée, les yeux de Léane devinrent humides. Jamais elle n'avait plus pensé que le Choipeau Magique s'était trompé complètement sur sa nature. Elle était triste et en colère, si elle n'avait pas été en compagnie de Benedict, elle aurait certainement eu un excès de fureur. Azazël ressentait sa colère et il se frotta contre elle, cherchant à lui apporter du réconfort, aussi minime soit-il.
Elle usa de toute sa force de caractère pour garder une voix calme et un visage inébranlable tout en sachant que son regard triste la trahissait. Dans une ultime caresse à Azazël, elle déclara :

-En vérité, je voudrais connaitre réellement les Moldus. Avoir des rapports directes avec eux. Et comme toi, tu es un "Sang-de-Bourbe", je pense que tu pourrais mieux m'en parler que n'importe qui d'autre, avec justesse et sans préjugés. Je voudrais savoir tout de leur mode de vie, savoir si ce qu'on raconte sur eux est exact ou complètement idiot... Et non, Benedict, je ne me pais pas ta baguette.

Sang-de-Bourbe avait été prononcé avec ironie, un accent particulier, pour lui faire comprendre que ce mot ne faisait pas parti de son vocabulaire.

Benedict n'était peut-être pas un maestro en ce qui concernait le violon ou les sentiments ou le genre féminin, mais en revanche il savait observer, soyez-en sûr. Et des yeux humides imprégnés d'un regard triste, cela signifiait bien ce que cela voulait dire. Il ne pouvait pas deviner la colère de la Serpentarde, uniquement sa tristesse. Et si cela avait été quelqu'un d'autre, il aurait déjà fait un geste envers elle, mais il se retenait.

**Elle joue..**
**Dur à jouer, les larmes, pourtant.**
**Et tu veux que je fasse quoi ? La prendre dans mes bras et lui faire un câlin pour la réconforter ? Je sais même pas pourquoi elle a l'air triste malgré sa voix sans timbre !**
**Oui mais, avant d'être une Serpentarde, c'est quelqu'un comme toi.**
**....**
**Bien fait. Et en plus elle n'a pas prononcé cette insulte avec mépris, comme tous les autres.**

"Certes, effectivement, je crois être bien placé pour t'en parler. Si tant est que je puisse étancher ta curiosité, bien sûr. Et ne pas t'en dégoûter ou quoique ce soit d'autre. C'est une belle ouverture d'esprit, je trouve."

Voilà, il n'avait pas fait de geste envers elle malgré son dilemme intérieur, parce qu'il n'osait pas et ne le voulait pas dans un sens, mais disons qu'il avait cessé de la considérer avec trop de méfiance ouvertement.

Benedict l'avait profondément blessée en la comparant à des personnes comme Malefoy, n'admirant rien d'autre que la pureté du sang et le statu familial, si bien qu'elle lui avait fait comprendre clairement. Cela lui avait valu le ton aimable de Benedict qui avait rangé ses piques et sa méfiance. Ses yeux se firent moins tristes et sa voix moins agressive qu'ils ne l'avaient été.

"C'est une belle ouverture d'esprit, je trouve."

Tandis qu'elle se répétait cette phrase qui raisonnait comme un compliment qui sonnait gentiment à son oreille après tout ce qu'il avait pu insinuer d'elle, ses traits se dégelaient, pour la première fois de la journée, laissant place à une expression sereine et douce qui reflétait parfaitement son état d'esprit. Une sorte de "cadeau", la patacitrouille de la journée, pour ce qu'il lui avait dit.

-Je t'écoute.

En effet, elle l'écoutait attentivement et l'écouterait jusqu'à la fin, jusqu'au dernier mot qu'il prononcerait, sans en perdre une miette, aussi minces soit le récit qu'il lui offrirait.

Il ne savait plus vraiment quoi faire. Désarçonné, perplexe, confus, partagé dans le dilemme d'essayer de faire confiance à une Verte et à laisser sa méfiance naturelle reprendre le dessus. Car malgré la froideur de la jeune fille, il y avait aussi la sérénité de ses traits à l'instant présent, une sorte de douceur mêlée à une profonde attention. La même, nullement la même...Il ne savait pas comment la définir et cela l'embêtait, lui qui était si habitué à ranger le monde dans des cases, à déduire, à ne voir les choses que de façon rationnelle. Il eut un sourire maladroit, hésitant, avant de frotter ses mains l'une contre l'autre, gardant son violon sur ses genoux. Il jeta un regard en biais à la jeune fille, avant de respirer profondément et de la regarder en face, cette fois.

"Eh bien, allons-y. J'espère que je n'aurai pas à le regretter."

Il se redressa, se rasseyant plus confortablement dans sa chaise.

"Par où commencer ? Comme David Copperfield ? C'est un héros de fiction moldue qu'on suit de sa naissance à sa mort...En fait, c'est à la fois éloigné et proche du monde des sorciers. Les gens naissent dans un hôpital, sans potion, mais des médicaments qui les remplacent. Et sont bien moins efficaces et puissants, pour sûr. Impossible de faire repousser des membres, par exemple. Quand les gens grandissent, c'est comme chez les sorciers. Dans une famille, sauf qu'ils vont dans une école pour enfants après quelques années. Ils y jouent, on leur apprend à écrire, à lire, compter...c'est l'école maternelle puis primaire. Ils ne restent pas dans leur famille, sauf en de rares cas où les parents les éduquent eux-mêmes. A onze ans, ils entrent au collège, comme ici. Ils font des études, bien plus tard qu'ici, jusqu'à parfois vingt-cinq ans ou plus, dans des lycées puis des universités. Si tu veux, ils ne commencent à vraiment se spécialiser dans leur métier qu'à partir de dix-huit ans. C'est la majorité, chez les Moldus, pas dix-sept ans. C'est rare de travailler avant la fin de ces études. Mais sinon tout se passe de la même chose, mais sans magie. C'est si dur à voir ? J'ai du mal à savoir quoi t'expliquer...Tout se fait à la main. Il n'y a pas de magie au quotidien...pas d'autre que celle de l'imaginaire et de la confusion des sentiments de la vie humaine. Et pourtant cela suffit...c'est assez vaste comme cela."

Bien qu'une parfaite attention, elle restait sensible aux réactions de Benedict et son air perdu ne lui échappa pas pour si peu.
Les yeux rivés sur lui, prêtant tous ses sens à ses dires.
Ainsi, ils avaient un équivalent à Hogwarts. Des écoles Moldues où on apprenait à vivre sans magie. En somme, c'était comme vivre sans baguette, et encore. Une représentation de la vie bien difficile que Léane avait du mal à voir. Une vie sans magie n'était pas évidente à concevoir. Vivre Moldu paraissait être extrêmement complexe et contraignent.

*Il faudrait vraiment que j'aille vivre avec des Moldus...*

Ses yeux exprimaient maintenant la gratitude. Aussi mince soit les connaissances qu'il lui avait apportées, elle le remerciait silencieusement et profondément.

-Eh bien disons que... Une vie sans magie pour celui qui en est dépendant, c'est inimaginable... Pour toi c'est plus facile, étant donné que tu n'as pas été habitué à la magie dès ta tendre enfance, mais pour moi... C'est plus difficile... Cela en est fascinant...

De là, elle avait maintenant l'impression d'avoir lu le résumé d'un livre passionnant.

"Fascinant ?..."

Il pesa ce mot dans sa tête. Pour lui, c'était plutôt le monde des sorciers qui l'était, pas celui des Moldus. Il ne comprenait pas qu'avec une aussi brève description - mais il ignorait ce qu'elle voulait vraiment savoir sur le sujet - elle puisse considérer son monde d'origine avec cette attitude.

"Peut-être...C'est vrai qu'il y a des choses dont on peut être fier, ou pas, qu'on a réussi à faire sans magie. Se parler à distance avec le téléphone...découvrir le monde, quand on en était encore à ce stade. Des merveilles artistiques, aussi, comme les cathédrales, pour vous ça ne doit pas avoir de sens puisque la magie existe. Ou euh....je ne sais pas, des tas de machines qui font plein de choses...qu'est-ce qui différencie par rapport à ici....on a des choses pour remplacer la magie, mais elles sont souvent moins rapides que vous. On est aussi géré par des ministères, mais pas les mêmes, c'est sûr. Même si le premier ministre est au courant. Je ne sais pas...tu voudrais savoir un point précis ?"

Là, elle était heureuse de la réaction de Benedict. Il semblait enfin comprendre qu'elle était vraiment intéressée par les Moldus et tous les sujets qui en découlaient.

-Oui, c'est fascinant... Fascinant de voir tout ce qu'on peut faire sans magie... Toutes les possibilités qu'on a... Il faut vraiment être intelligent pour se créer une vie sans magie... C'est formidable.

A présent, une lueur indescriptible flottait dans ses prunelles vertes, assorties aux couleurs de son blason. Elle admirait l'intelligence dont ils devaient faire preuve.
Pour ce qui était de s'intéresser à un point en particulier, oui. C'était surtout la catégorie voyage qui l'intriguait. D'après ses sources, ils se déplaçaient par le biais de sortes de boites métalliques sur roues. La vitesse lui échappait, elle n'avait pas trouvé de renseignement à ce sujet, ni sur le fonctionnement exact.

-J'aime particulièrement les transports. J'ai du mal à comprendre comment ils font pour se déplacer d'un endroit à l'autre dans des... boites? C'est assez compliqué je suppose.

"Ou être idiot, parce que t'as quand même une bonne partie des Moldus qui sont idiots, comme chez les sorciers, et il y en a qui manquent cruellement de fantaisie."

Il ne savait pas trop comment interpréter le regard de la jeune fille. Franchement, il était encore partagé entre sa méfiance et sa bienveillance habituelles. Il n'aimait ne pas savoir sur quel pied danser, mais Léane semblait déterminée à le laisser ainsi. A lui de s'adapter....ou d'essayer de croire, pour une fois.

"Les transports ? Des boîtes ?"

Il eut un rire en l'entendant dire cela, tant l'expression lui paraissait saugrenue.

"Ca n'a rien de très compliqué, c'est un peu comme les voitures. On a un liquide nommé l'essence qui permet de faire fonctionner un moteur, et ledit moteur permet aux boîtes de fonctionner. Comme si tu remplaçais la magie par le liquide. Le système qui fait fonctionner tout cela est en lui-même compliqué, je ne connais pas toujours les détails, mais c'est assez simple à utiliser, pour les voitures. Après, les voitures, c'est bien pour un usage personnel. Mais on utilise aussi des bus, ou le tram, pour transporter plusieurs personnes en même temps ; ensuite il y a le train, qui est comme un immense bus sauf qu'il va bien plus vite et sur plus de distance. Puis l'avion, pour aller d'un pays à l'autre : sauf que là, c'est voler dans le ciel dans un appareil qui a des ailes métalliques. Et enfin le bateau, pour voyager sur la mer, qui est peut-être le plus agréable. Une grosse boîte flottante !"

-Personne n'est parfait, même chez les Moldus.

Un rire clair s'échappa de sa bouche.
Après le récit de Benedict, la lueur qu'on lisait dans ses yeux devint plus intense. Dans une plus grande expression d'admiration, elle dit doucement :

-Merci... J'aimerais bien utiliser un bateau ou un avion un jour... En plus, s'ils sont remplis de Moldus, ça doit être encore plus intéressant! Tu sais quoi? Tu devrais écrire un livre.

Elle décocha un sourire maladroit, mais d'une extrême sincérité.

Il eut presque une hésitation, mais à ce moment-là il était tellement parti dans ses explications, oubliant presque à qui il parlait, qu'il lâcha sans réfléchir :

"J'ai de la famille en Pologne. Si un de ces jours j'y vais pour les vacances, je prendrai sûrement le bateau ou l'avion, tu n'auras qu'à me suivre."

Puis il eut un silence en réalisant à nouveau à qui il parlait, rougissant, puis il choisit de continuer comme si de rien n'était.

"Surtout en avion ou en bateau, les Moldus aiment râler, ou être tout émerveillés parce qu'ils le prennent pour la première fois. Mais....non."

Il considéra le sourire maladroit de la jeune fille avec perplexité, avant de se mettre à rire.

"Bien sûr. Mr. Benedict Cumberbatch, ou comment j'ai voyagé pendant un an au milieu des Moldus sans magie. Ca n'existe pas déjà dans vos librairies ?"

Elle remarqua que Benedict, après qu'il lui ai fait une invitation presque inconsciemment, rougit. C'était assez bizarre, il y a encore quelques minutes, il l'avait mal considérée, pensant qu'elle était hypocrite dans sa démarche.

-Vraiment? J'en serais extrêmement heureuse!

Là, son émerveillement était presque puéril, mais tant pis. En plus, elle avait perdu son attitude froide et distante, laissant paraitre de la joie, mais ca elle n'en était pas consciente.

-Non, je ne crois pas qu'il y en ai d'aussi complet que le seraient tes récits.

Léane, d'une nature franche, décida qu'à présent, le sujet "Moldus" était révolu. Elle voulait connaitre ses impressions, aussi mauvaises soient-elles.

-Tu me trouve certainement agaçante avec mes lubies non?

**Mais qu'est-ce que j'ai dit....**
**C'est fait c'est fait...**
**Nom d'une bouse de Scroutt à Pétard après qu'il ait mangé des pétards, du blé, des Veracrasses et des crevettes !**

Il contint un soupir, se contentant de hocher poliment la tête face à son enthousiasme. Quelque chose qu'il n'aurait jamais cru possible, tout comme le fait qu'elle semblait moins froide et inaccessible, tout d'un coup.

"Je vois, le genre de récits faits par soi-même et quelqu'un qui y est plongé....peut-être quand j'aurai mes ASPICs !"

Il eut un léger sursaut face à sa question brusque, laissant passer quelques secondes avant de plisser les yeux, reprenant un air réfléchi.

"Agaçante ? Je ne dirais pas ça, non. Plutôt...mystérieuse, lunatique, bizarre pour une Serpentarde, je te pense manipulatrice ou fourbe mais ça c'est ma méfiance naturelle, je dirais enfin que quand tu souris c'est chaleureux mais vu que tu sembles aussi inaccessible, cela donne comme un sourire plein de beauté mais aussi de poison, enfin je trouve admirable que tu sois ouverte d'esprit. En clair...tu n'es pas agaçante, mais plutôt...la même, nullement la même que toutes les autres filles que j'ai pu croiser ici. Et c'est un compliment."